mardi, juin 13, 2017

Projets


L’homme forme des projets, mais il ignore le destin.
Les desseins de la créature ne ressemblent pas au décret de Dieu.
Quand l’homme fait des prévisions, elles semblent à sa portée ;
Il a beau s’ingénier, il est impuissant devant le pouvoir de Dieu.
Il fait deux pas en ligne droite devant lui,
Mais qui sait où Dieu va ensuite l’entraîner ?
Ne t’obstine pas, recherche le royaume de l’Amour,
Car ce royaume te fera échapper à l’ange de la mort.
Renonce à ton désir, choisis la lumière de l’intelligence,
Car ce désir t’amènera à une prompte déception.
Sois le gibier du roi : ne recherche toi-même aucun gibier,
Car le faucon de la mort t’enlèvera ton gibier.
Pareil au faucon du roi, va vers le tambourin qui t’appelle ;
Ce tambourin t’apportera la joie.
Nul n’est aujourd’hui plus sincère que le roi.
Va vers lui de toute ton âme, il ne te chassera pas.
Toutes les créatures sont prisonnière de la mort ; sache-le avec certitude.
Un prisonnier ne peut pas te faire échapper du fond de la prison.
Sais-tu pourquoi les chiens aboient dans le quartier de la résignation ?
C’est pour chasser celui qui est efféminé et vil.
Jamais un cavalier amoureux dans cette voie
N’aura le coeur effrayé par l’aboiement de ces chiens.


Jalâl ud-Dîn Rumî   - Ode Mystique 652

Nourriture


La vie s’écoule dans l’espoir pour demain,
D’une manière inconsciente, elle se hâte vers les troubles.
Ton propre temps, sache-le, c’est le présent ;
Considère-le : dans quelle folie il se passe !
La vie est gaspillée, tantôt pour la bourse, tantôt pour la coupe ;
A chacun de nos souffles, nous la perdons.
La mort emmène les êtres, un par un,
Et la crainte qu’elle inspire fait pâlir le sage.
La mort reste debout, dans le chemin, à l’affût,
Tandis que le seigneur sort se promener à la campagne.
La mort est plus proche de nous que notre conscience :
La conscience insouciante, dans quelles régions erre-t-elle ?
Ne nourris pas ton corps : le corps est une victime à immoler ;
Nourris ton coeur : le coeur s’élève vers les hauteurs.
Donne moins de mets choisis à cette charogne,
Car celui qui nourrit son corps se déshonore.
Donne à ton esprit des aliments délicieux, par la sagesse
Afin qu’il devienne fort, car c’est là-bas qu’il s’en va…


Jalâl ud-Dîn Rumî  -  Ode Mystique 823